vendredi 22 avril 2016

Leucémies aiguës

Les leucémies aiguës (LA) constituent un ensemble d'hémopathies malignes caractérisées par
l'expansion clonale dans la moelle osseuse de précurseurs des cellules sanguines bloqués à un
stade précoce de leur différenciation, les blastes. Il s'agit d'une affection rare (quatre à cinq cas
pour 1OO000 habitants par an, environ 3 000 nouveaux cas par an en France). On distingue
deux grands types :
• les leucémies aiguës myéloïdes (LAM), dont la fréquence augmente avec l'âge (médiane
autour de 65 ans);
• les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL), surtout observées chez l'enfant, mais aussi
chez l'adulte après 50-60 ans; la LAL représente un tiers des cancers de l'enfant.
Le diagnostic et le pronostic reposent sur l'examen morphologique des blastes du sang et de
la moelle osseuse, l'immunophénotype et l'étude cytogénétique et moléculaire.
Le traitement repose sur la polychimiothérapie et la greffe de cellules souches hématopoïétiques.
La classification diagnostique des leucémies aiguës n'est pas au programme de l'ECN. Nous
avons cependant pris le parti d'effleurer ce sujet, sans lequel tout effort de compréhension et
de mémorisation est illusoire . De surcroît, quelques éléments de classification conditionnent
l'urgence de certaines situations.


1. Facteurs étiologiques

Ils sont inconnus dans la majorité des cas.
Certains facteurs sont favorisants :
• les chimiothérapies anticancéreuses, responsables de 10 % des LAM : sont en cause les
agents alkylants, dans un délai allant jusqu'à cinq à sept ans suivant l'administration, souvent
après une phase de myélodysplasie, et les inhibiteurs de topoisomérase Il, dans un
délai inférieur à deux ans
• des facteurs génétiques : anomalies chromosomiques constitutionnelles (trisomie 21, maladie
de Fanconi), déficit de p53 (syndrome de Li-Fraumeni), déficits immunitaires constitutionnels
(ataxie-télangiectasie);
• des facteurs viraux : bien connus chez l'animal, ils ne peuvent être mis en cause que dans
certaines formes très particulières : HTLV1 et leucémies-lymphomes T du Japon et des
Antilles, virus d'Epstein-Barr (EBV) dans certaines leucémies de type Burkitt;
• l'exposition aux radiations ionisantes;
• des toxiques, les hydrocarbures benzéniques (anciennement peinture sur carrosserie,
caoutchouc, pétrochimie, tabagisme).
L'acutisation de syndromes myéloprolifératifs chroniques ou néoplasies myéloprolifératives de
la class ification OMS (leucémie myéloïde chronique surtout avant l'apparition des inhibiteurs
de tyrosine kinase, maladie de Vaquez, splénomégalie myéloïde, thrombocytémie essentielle
plus rarement) et de syndromes myélodysplasiques constituent des formes particulières, de
très mauvais pronostic.

Il. Signes cliniques

Les signes cliniques résultent de deux conséquences de la maladie : une insuffisance médullaire
et une prolifération des blastes (syndrome tumoral) Il n'y a pas de signes caractéristiques. La
présentation est variable, allant de la forme peu symptomatique à la forme d'emblée grave
nécessitant l'hospitalisation urgente en milieu spécialisé.
Signes liés à l'insuffisance médullaire
• Signes en rapport avec une anémie, d'installation rapide et de ce fait souvent mal tolérée.
• Signes infectieux en rapport avec la neutropénie, classiquement de la sphère ORL (allant
jusqu'à l'angine ulcéro-nécrotique); en réal ité, souvent sans caractère clinique spécifique
(fièvre résistant aux antibiotiques, sepsis grave).
• Syndrome hémorragique cutané ou muqueux, de type purpura essentiellement, ou hémorragies
extériorisées, en rapport avec la thrombopénie, parfois aggravée par une coagulation
intravasculaire disséminée (C IVD).
Tous ces signes d'appel justifient la réalisation d'un hémogramme.
Signes tumoraux
• Hypertrophie des organes hématopoïétiques (adénopathies et splénomégalie) ou hépatomégalie
· elles se voient surtout dans les LAL.
• Il existe aussi des local isations particulières, d'emblée ou au cours de l'évolution, parfois
sous forme de rechutes isolées :
- localisations méningées responsables de céphalées, de paralysies des nerfs périphériques,
crâniens en particul ier;
- localisations cutanées sous forme de leucémides (LA monoblastiques);
- gingivites hypertrophiques (LA monoblastiques);
- localisations osseuses, responsables de douleurs (LAL de l'enfant surtout) prédominant
aux diaphyses proximales;
- atteinte testiculaire dans les LAL, essentiellement chez l'enfant.
• L'hyperleucocytose n'a de traduction cl inique que quand elle est majeure (> 100 giga/I),
s'accompagnant d'un syndrome de leucostase dans les capillaires pulmonaires et cérébraux.
Les signes sont représentés au niveau pulmonaire par une hypoxie réfractaire parfois
sévère, avec détresse respiratoire, et au niveau cérébral par des troubles de conscience voire
un coma ou des convulsions.

Ill. Signes biologiques et diagnostic

A. Hémogramme
Item 312 - UE 9 - Leucémies aiguës
L'hémogramme est toujours anormal et représente l'examen d'orientation majeur du diagnostic
:
• anémie presque constante et parfois sévère (hémoglobine = 5-13 g/dl), normocytaire ou
modérément macrocytaire (surtout LAM avec dysplasie multilignée), non régénérative;
• thrombopénie: très fréquente, parfois inférieure à 10 giga/I;
• leucocytose très variable, allant de la leucopénie(< 3 giga/) à !'hyperleucocytose majeure
(> 1 OO giga/);
• neutropénie fréquente(< 1,5 giga/I) ou agranulocytose d'emblée.
Les blastes circulants peuvent représenter l'essentiel des leucocytes (formes hyperleucocytaires),
mais sont parfois absents ou t rès rares (formes leucopéniques). Leur aspect morphologique
varie d'une LA à l'autre; leur identif ication peut être difficile.
Remarque : Un syndrome de leucostase, se traduisant par une détresse respiratoire ou des
troubles de conscience, est présent dans les formes très hyperleucocytaires.
B. Ponction médullaire

La ponction médullaire permet de réaliser un examen cytologique (myélogramme) et diverses
techniques complémentaires. Elle est systématique, même si ces examens sont réa lisables sur
les blastes circulants lorsqu'ils sont présents.
1. Myélogramme : l'examen clé du diagnostic
Le myélogramme est indispensable même s'il existe des blastes circulants. Il va permettre
d'affirmer le diagnostic et de typer la leucémie.
Étude morphologique des frottis médullaires
La moelle est le plus souvent richement cel lulaire, pauvre en mégacaryocytes, et contient par
définition au moins 20 % de blastes (souvent plus, jusqu'à 100 %).
Divers critères morphologiques des blastes vont permettre de séparer les LA en deux grands
groupes:
• LA lymphob/astiques : blastes de taille petite ou moyenne et cytoplasme peu abondant
• LA myéloides: blastes contenant souvent quelques granulations et parfois un ou plusieurs
bâtonnets rouges (azurophiles) appelés« corps d'Auer »
Étude cytochimique
Elle met en évidence des activités enzymatiques spécifiques dans les blastes, notamment la
myéloperoxydase, dont la posit ivité permet d'affirmer la nature myéloïde de la LA

2. lmmunophénotype des b/astes
Il se réa lise par cytométrie de flux · on recherche l'expression de divers antigènes de différenciation
membranaires ou intracytoplasmiques. Cet examen confirme l'appartenance à une
lignée (lymphoïde ou myéloïde) et apprécie le stade de différenciation. Il est indispensable pour
le diagnostic et le classement des LAL et utile dans les quelques cas de LAM cytologiquement
très indifférenciées.
3. Cytogénétique (conventionnelle et hybridation in situ)
On observe des anomalies du caryotype dans 50 à 60 % des cas. Il s'agit d'anomalies de
nombre ou de structure (délétions, t ranslocations). Ces anomalies permettent de classer plus
précisément les divers types de LA; leur mise en évidence est capitale pour définir le pronostic.
4. Biologie moléculaire
La mise en évidence par PCR (Polymerase Chain Reaction) de divers transcrits de fusion (correspondant
à certaines anomalies cytogénétiques retrouvées avec le caryotype) ou de certaines
anomalies moléculaires a un intérêt pour le pronostic et pour le suivi de la maladie résiduelle
après traitement. La recherche de mutations de certa ins gènes d'intérêt est devenue indispensable
pour l'évaluation du pronostic.
5. Cryoconservation de blastes et de matériel cellulaire
(tumorothèque)
Elle est systématique, pour pouvoir réétudier le matériel diagnostique en cas de besoin et à
titre scientifique.


IV. Diagnostic différentiel

En pratique, il se pose peu quand les signes cliniques conduisent à réaliser et à interpréter cor·
rectement un hémogramme. Dans les syndromes mononucléosiques de l'adolescent, notam·
ment la mononucléose infectieuse, le tableau clinique peut être inquiétant quand il associe
une asthénie profonde, une polyadénopathie et une angine fébrile. L'hémogramme montre
une hyperleucocytose constituée de lymphocytes basophiles à tous les stades de l'immunosti·
mulation, à bien différencier des blastes leucémiques (cf. Item 213, au chapitre 13). Par défi·
nition, les syndromes myélodysplasiques se différencient des LAM par une blastose médullaire
et sanguine inférieure à 20 %


VI. Évolution et traitement

A. Évolution générale et pronostic
En l'absence de tout traitement, la LA est mortelle en quelques semaines essentiellement
par complications hémorragiques eVou infectieuses. Ce délai peut cependant être nettement
prolongé dans certains cas par un tra itement symptomatique (transfusions et traitement des
complications infectieuses). Cette attitude est proposée chez les patients de plus de 75 ans
chez qui on ne peut envisager de chimiothérapie du fait de la toxicité.
Le pronostic des LA tra itées dépend d'un certain nombre de facteurs, dont les plus significat
ifs sont l'âge (mauvais pronostic surtout après 60 ans), l'existence ou non de comorbidités,
la leucocytose (mauvais pronostic si elle est élevée, le seuil variant suivant les formes), la
réponse au traitement initial (l'obtention d'une rémission complète est un facteur majeur) et
la cytogénétique.
Dans les LAM, l'étude cytogénétique permet de définir trois groupes pronostiques : « favorable
» (t(15;17), t(8;21), inv(16)); «intermédiaire» (LAM avec caryotype normal'); «défavorable
» (caryotypes complexes, anomalies des chromosomes 5 et 7).
Dans les LAL de l'enfant, l'hyperdiploïdie (> 50 chromosomes) ou la présence de certaines
translocations sont de bon pronostic, alors que l'hypodiploïdie (<45 chromosomes) et la
t(9;22) sont associées à un mauvais pronostic. Dans les LAL de l'adulte, le pronostic est
globalement moins bon que chez l'enfant, et la présence d'une t(9;22), retrouvée chez
plus d'un tiers des adultes, est de très mauvais pronostic, nécessitant une thérapeutique
spécifique.
Le but du tra itement de la leucémie aiguë est double : obtenir une rémission (disparition de
la maladie détectable) et éviter les rechutes. Ce traitement repose principalement sur une
chimiothérapie intensive et s'accompagne, au moins dans sa phase initiale, d'une insuffisance
médullaire sévère et prolongée. De plus en plus souvent, les stratégies sont adaptées aux
facteurs pronostiques.
B. Moyens
1. Chimiothérapie
Différents médicaments sont utilisés, toujours associés de façon à bénéficier de différents
mécanismes d'action et à empêcher certaines résistances. Les anthracyclines et la cytosinearabinoside
sont la base du traitement des LAM. On les utilise aussi dans les LAL avec d'autres
drogues plus spécifiques de cette maladie, comme la vincristine, l'asparaginase, le méthotrexate
(intraveineux eVou intrathécal) et les corticoïdes.
2. Radiothérapie
Elle n'est utilisée que dans deux indications : irradiation prophylactique ou curative des localisations
neuroméningées (LAL de l'adulte et LA monoblastiques) et irradiation corporelle totale,
utilisée en préparation aux greffes de cellu les souches hématopoïétiques
3. Greffe de cellules souches hématopoiëtiques : greffe allogénique
Les cellules sont prélevées chez un donneur sain HLA (Human Leukocyte Antigen) familial
génotypiquement identique ou, en son absence, d'un donneur volontaire non familial HLAcompatible
ou d'une greffe de sang de cordon placentaire compatible. L'allogreffe permet de
réaliser une préparation chimio- eVou radiothérapique à visée cytotoxique, mais elle a également
un effet curatif propre du fait de la réaction immunitaire antileucémique du greffon. En
revanche, elle est responsable d'une mortalité toxique élevée (autour de 15 %) et ne peut pas
être proposée aux sujets trop âgés.
4. Thérapeutiques «ciblées»
Dans certaines leucémies. on utilise des agents à visée différenciatrice (cas de l'acide rétinoïque
dans les LAM 3) ou bloquant spécifiquement un signal intracellulaire dérégulé (cas des
inhibiteurs de tyrosine kinases dans les LAL avec chromosome Philadelphie) (cf. Item 198, au
chapitre 18).
C. Conduite du traitement
A l'heure actuelle, ce traitement ne se conçoit que dans des centres spécialisés et suivant des
protocoles précis. Il se divise en trois grandes phases, quelle que soit la leucémie.
1. Phase d'induction
Toujours sous forme de chimiothérapie intensive entraînant une aplasie d'au moins deux ou
trois semaines, elle vise à obtenir un état de rémission, c'est-à-dire une disparition de tous
signes cliniques et biologiques détectables. En pratique, on parle de rémission complète lorsque
la moelle contient moins de 5 % de cellules jeunes en cytologie et lorsque l'hémogramme est
normal. Cette rémission correspond à une diminution suffisante de la masse tumorale au
niveau cytologique, mais pas à une élimination totale des cellules leucémiques (souvent encore
détectables par des techniques
2. Phase de consolidation
Elle cherche à réduire encore le nombre de cel lules leucémiques résiduelles. On utilise dans
cette phase des traitements intensifs nécessitant de longs séjours à l'hôpital (chimiothérapie,
autogreffe, allogreffe). Chez l'adulte, hors formes de bon pronostic, on fait le plus souvent une
allogreffe en première rémission, alors que chez l'enfant on attend une éventuelle rechute ou
on réserve ce t raitement à des cas de très mauvais pronostic.
3. Phase d'entretien
Elle concerne surtout les LAL et LA promyélocyt aires, sur une période d'environ deux ans.
D. Résultats
• Pour les LAL de l'enfant : on obtient globalement plus de 90 % de rémission complète et
plus de 70 % de guérison.
• Pour les LAL de l'adulte : le taux de rémission complète chez l'adulte jeune est de 80 %
(beaucoup plus faible chez le patient âgé) mais les rechutes sont fréquentes avec seulement
20 à 30 % de rémissions persistantes (50 % si on peut faire une allogreffe).
• Pour les LAM : on obtient en moyenne 70 % de rémissions complètes (80 % avant 60 ans,
50 % au-delà) et 30
E. Rechutes
Les rechutes surviennent le plus souvent dans les deux premières années de rémission. Le taux
de nouvelle rémission est plus faible et la durée plus courte que dans la première poussée, sauf
en cas d'utilisation de modalités thérapeutiques différentes (par exemple, greffe si non utilisée
in itialement).
VII. Conclusion
llm\
Les LA sont des malad ies rares, surtout chez le sujet jeune. Les signes cliniques sont souvent
peu caractéristiques et il faut savoir y penser, notamment en sachant interpréter correctement
un hémogramme. Même si le diagnostic et le traitement relèvent de services très spécialisés,
il faut reconnaître les cas nécessitant une prise en charge urgente et comprendre les grands
principes du traitement, de plus en plus adaptés

Anémie chez adulte et l'enfant






L'hémoglobine contenue dans les globules rouges du sang transporte l'oxygène vers les tissus
utilisateurs : tout au long de la vie (adulte), la quantité d'hémoglobine sanguine demeure
stable et assure cette fonction vitale.
Si la quantité d'hémoglobine du compartiment sanguin diminue, il apparaît un défaut d'oxygénation
t issulaire (hypoxie), que l'organisme va pouvoir compenser (adaptation cardiorespiratoire)
ou non, induisant alors une partie de la symptomatologie clinique des anémies.
Interrogatoire, examen clinique et examen attentif de tous les paramètres de l'hémogramme
constituent le socle de la démarche diagnostique d'une anémie.

1. Définition

L'anémie se définit par la diminution de l'hémoglobine contenue dans les globules rouges du
sang au-dessous des valeurs de référence à l'hémogramme' .
La valeur de l'hémoglobine sanguine varie en fonction du sexe (chez l'adulte) et de l'âge, et on évoque une Anémie quand:
homme adulte : hémoglobine < 130 g/I;
femme adulte : hémoglobine< 120 g/I;
jeune enfant : hémoglobine< 110 g/I;
nouveau-né : hémoglobine< 140 g/I;
femme enceinte, à partir du 2' trimestre de grossesse: anémie si hémoglobine < 105 g/I.

En réalité, l'anémie correspond à une baisse de la quantité t otale d'hémoglobine du compartiment circulatoire,
c'est-à-dire une baissssse du volume globulaire total (VGT). VGT et volume total de plasma circulant (VPD
constituent la masse sanguine ou volume sanguin total (VSD. Le VGT, le VPT et le VST ne sont pas mesurables
en pratique quotidienne (ils nécessitent des techniques isotopiques) : on considère que l'hémogramme obtenu
après ponction d'un échantillon sanguin (au pli du coude chez l'adulte) est le reflet du VGT et du VPT, ce qui
n'est vrai que si le VGT du compartiment circulatoire est inchangé.
Chez le sujet âgé, voire très âgé, et en bonne santé, les valeurs normales de l'hémoglobine ne
diffèrent pas de celles de l'adulte plus jeune.
Cette définition d'une anémie n'est valable que si le volume plasmatique total (VPD est resté
stable. Si le VPT est augmenté, l'hémogramme va montrer une « fausse anémie» ou« anémie
par hémodilution". De telles situations sont facilement identif iables .
• grossesse, à partir du second trimestre;
• splénomégalies volumineuses;
• certaines dysglobulinémies monoclonales à taux élevés (myélome lgA, macroglobulinémie
de Waldenstrôm);
• insuffisance cardiaque sévère.
A l'opposé, une baisse du VPT peut minimiser une anémie vraie (hémoconcentration, panhypopituitarisme,
insuffisance surrénale chronique, hypothyroïdie).
Le nombre d'hématies et !'hématocrite n'ent rent pas dans la définition d'une anémie; les
autres paramètres de l'hémogramme fournissent en revanche des informations essentielles
pour le diagnostic étiologique.

mardi 19 avril 2016

Colopathie fonctionnelle - Syndrome de l'intestin irritable




      Le syndrome de l'intestin irritable (Sii), désignation préférable à celle de colopathie fonctionnelle,
est un des premiers motifs de consultation en gastroentérologie. Le Sii se définit selon
des critères cliniques régulièrement actualisés (critères de Rome 111), par la coexistence de douleurs
abdominales chroniques et troubles du transit (constipation, diarrhée, alternance des
deux) fluctuants.
Cette affection n'engage pas le pronostic vital mais altère considérablement la qualité de vie
des malades.
L'impact médico-économique du Sii est important et largement sous-estimé avec des arrêts de
travail, un absentéisme scolaire, une diminution de la productivité au travail. Le Sii constitue donc,
en dépit de sa bénignité, un problème de santé publique important mais encore mal reconnu

  1. Épidémiologie

La prévalence du Sil dans la population générale varie de 10 à 15 % dans tous les pays du
monde.
Un tiers des sujets atteints consultent un médecin pour ce motif avec une prédominance féminine
(70 % de femmes). Le diagnostic est souvent porté entre 30 et 40 ans. Dans 5 à 20 % des
cas, le Sii apparaît au décours d'un épisode de gastroentérite aiguë (Sii post-infectieux). Dans
environ 30 % des cas, des symptômes fonctionnels identiques à ceux du Sii persistent aux
décours des poussées de maladies inflammatoires chroniques intestinales (M ICI) alors qu'elles
sont considérées en rémission (Sii post-inflammatoire).
Il existe 3 phénotypes clin iques du Sii, également représentés, avec constipation prédominante
(Sll-C), diarrhées prédominantes (Sll-D) ou symptômes alternants (Sii-A).

Il. Physiopathologie

La physiopathologie du Sii est multifactorielle et s'appuie sur un modèle bio-psycho-social avec
des altérations à tous les étages de l'axe anatomique et fonctionnel «cervea u-intestin ».

A. Troubles de la motricité digestive

Des troubles de la motricité digestive ont été mis en évidence sur l'ensemble des segments du
tube digestif chez l'homme. Des troubles moteurs ont été décrits au niveau de l'intestin grêle
et du côlon. Au niveau de l'intestin grêle, ils concernent à la fois la motricité interdigestive et
post-prandiale. Dans le côlon, ils s'observent surtout après la prise d'un repas (fig. 20.1 et 20.2).
Ils peuvent être déclenchés par l'alimentation eVou le stress.
Ils sont inconstants et peu spécifiques du Sii.
B. Troubles de la sensibilité digestive
Il existe une hypersensibilité viscérale chez au moins 60 % des malades.
Elle amène les malades à percevoir de façon pénible des phénomènes physiologiques normaux
comme la distension intestinale induite par les gaz ou les contractions intestinales
La sensibilité somatique est normale.
Plusieurs mécanismes sont éventuellement associés : sensibi lisation des terminaisons sensitives
de la paroi digestive, hyperexcitabilité des neurones de la corne postérieure de la moelle
amplifiant les messages sensitifs d'origine digestive ou, trouble de l'intégration des messages
sensitifs digestifs au niveau du système nerveux central, supra-spina l.
Les troubles de la sensibilité viscérale ne sont pas assez spécifiques pour différencier des
malades atteints du 511 des sujets sains.

C. Inflammation et microbiote

Un état inflammatoire qualifié de bas grade est volontiers mis en évidence par l'analyse histologique
des biopsies de la muqueuse digestive. Cet infiltrat inflammatoire reste cependant
inconstant et peu spécifique de la maladie ou d'un phénotype particulier de 511.
L'écosystème intestinal joue vraisemblablement un rôle dans la physiopathologie du 511. Des
altérations qualitatives et quantitatives du microbiote pourraient augmenter la perméabilité
de l'épithélium digestif et perpétuer la réponse inflammatoire muqueuse. De même, les altérations
du microbiote pourraient augmenter la produdion de gaz digestifs en stimulant les
processus de fermentation. Une pullulation microbienne intestinale serait un peu plus fréquemment
observée chez les malades atteints de 511, en particulier en cas de diarrhée prédominante
(5 11-D).

D. Influence des troubles psychologiques

Une forte prévalence des troubles psychologiques est observée chez les malades atteints de
Sii, surtout chez ceux qui consultent très régulièrement. D'autre part, une névrose d'angoisse
ou phobique, un état dépressif, une histoire d'événements de vie douloureux (divorce, deuil,
histoire d'abus sexuel qui est ident ifiée chez près des 30 % des malades), une exposition
régulière à des événements stressants sont des fadeurs associés à une plus grande sévérité
des symptômes. Les troubles psychologiques, et plus généralement le stress, sont aduellement
perçus comme des cofacteurs capables d'influencer la sévérité des symptômes du 511.

Ill. Clinique

La douleur abdominale est le principal symptôme du 511 et le principal motif de consultation.
Par définition, elle est :
• chronique, évoluant depuis au moins 3 mois (encadré 20. 1);
• à type de spasme;
• le plus souvent au niveau des fosses iliaques, droite et/ou surtout gauche ou de l'hypogastre
(mais elle peut être épigastrique, se localiser dans l'un des deux hypochondres ou
dessiner le cadre colique);
• souvent matinale (douleur «réveil matin ») ou post-prandiale;
• absente la nuit;
• intermittente, par crises de quelques heures à quelques jours,
• soulagée par l'émission de gaz et/ou de selles;
• augmentée par le stress ou une anxiété;
• ca lmée par les périodes de repos, notamment les vacances;
• parfois les malades décrivent une douleur plus diffuse, à type de brûlure, quasi continue,
pouvant exister la nuit, même pendant le sommeil qui est généralement perturbé.

Principaux éléments guidant l'indication de la coloscopie au cours du Sii
• Antécédent familial de cancer ou d'adénomes colo-rectaux.
• Âge > 50 ans (en l'absence de coloscopie complète depuis l'installation des symptômes).
• Symptômes récents ou récemment modifiés.
• Résistance au traitement symptomatique.
• Présence de signes d'alarme:
- hémorragie digestive patente ou latente (anémie hyposidérémique);
- anomalies de l'examen cl inique;
- amaigrissement.

Le ballonnement abdominal est le second grand motif de consultation. Il s'agit soit d'une
simple gêne qui rend pénible le port de vêtements ajustés, soit (au maximum) d'une tension
permanente, difficilement supportable. Il peut être amélioré de façon transitoire par l'émission
de gaz eVou de selles.
Les troubles du transit sont constants. Ils permettent de distinguer les 3 phénotypes du 511
(511-C, 511-D, 511-A)
Il s'agit soit:
• d'une constipation(< 3 selles/semaine);
• d'une diarrhée (plusieurs selles liquides, uniquement diurnes, souvent matinales et postprandiales).
Le besoin impérieux, la présence de résidus alimentaires, la survenue postprandiale,
sont les éléments caractérisant une diarrhée motrice.
Une alternance diarrhée-constipation est possible.
Il peut exister d'autres signes fonctionnels:
signes digestifs hauts (pyrosis, pesanteur épigastrique, satiété précoce). Un reflux gastrooesophagien
(RGO) sans oesophagite est très souvent associé au 511 (oesophage irritable);
quand il coexiste avec un 511, le RGO altère d'avantage la qualité de vie;
et symptômes extradigestifs (céphalées, myalgies, arthralgies, asthénie, bouffées de chaleur,
pollakiurie, dyspareunie ... ). Des pathologies dermatologiques comme l'eczéma ou
l'urticaire seraient plus fréquentes chez les malades ayant un 511-D et volontiers associées à
un terrain atopique. La présence de symptômes extradigestifs est le plus souvent associée

à un 511 plus sévère.

Addiction à l1alcool

   

1. Définitions

La consommation de substances psycho-actives (d'alcool en particulier) peut être décrite selon
plusieurs modalités.
Usage
L'usage correspond à l'abstinence et à l'usage simple.
L'usage simple correspond à une consommation d'alcool qui répond aux recommandations
suivantes :
• pas plus de 21 verres en moyenne par semaine pour les hommes;
• pas plus de 14 verres en moyenne par semaine pour les femmes;
• pas plus de 4 verres par occasion de boire;
• pas d'alcool dans certaines circonstances (femme enceinte, conduite, prise de certa ins
médicaments, métiers ou sports dangereux, certaines affections, etc.) ;
• un jour sans alcool par semaine.
Un verre standard en France correspond aux doses bar et contient 10 grammes d'alcool pur.
Ces seuils n'assurent pas l'absence de tout risque mais sont des compromis entre, d'une part,
un risque considéré comme acceptable individuellement et socialement, et d'autre part la place
de l'alcool dans la société et les effets considérés comme positifs de sa consommation modérée.
Ces seuils n'ont pas de valeur absolue car chacun réagit différemment selon sa corpulence, son
sexe, sa santé physique et son état psychologique, ainsi que selon le moment de la consommation.
Ils constituent de simples repères et ils doivent être abaissés dans diverses situations,
notamment en cas de :
• situation à risque: conduite de véhicule, travail sur machine dangereuse, poste de sécurité,
situat ion qui requiert vigilance et attention. etc.
risque individuel particulier, notamment : consommation rapide et/ou associée à d'autres
produits (substances psycho-actives, médicaments), affections organiques et/ou psychiatriques
associées, âge, faible poids, sexe, grossesse, états de fatigue, dette de sommeil.
Mésusage
Le mésusage correspond à l'usage à risque, l'usage nocif (utilisation nocive pour la santé) et
l'usage avec dépendance (alcoolo-dépendance).
• L'usage à risque (consommation à risque) correspond à une consommation au-dessus des seuils
précités, risquant de provoquer des dommages physiques, psychiques ou sociaux. Le risque
peut être lié à une prise aiguë (violence, accident, coma éthylique ... ) ou à des prises chroniques
répétées (cirrhoses, cancer, troubles psychiatriques ... ). L'usage à risque peut s'éteindre spontanément
sans avoir causé aucun dommage, ou évoluer vers l'usage nocif ou la dépendance.
• L'usage nocif ou utilisation nocive pour la santé désigne une consommation qui ent raîne
des conséquences préjudiciables pour la santé, physiques ou psychiques, mais en l'absence
de critères de dépendance. C'est l'exemple d'un patient chez qui est diagnostiquée
une cirrhose du foie, à l'occasion d'une complication ou d'un bilan systématique, et qui
ne savait pas qu'il consommait au-dessus des recommandations. Par définition, le diagnostic
d'usage nocif exclut celui de dépendance.
Dépendance
La dépendance définit un type de relation marqué par une incapacité de réduire sa consommation
et une obligation comportementale (encadré 1 .1 ).
Les signes sont psychologiques :
• quantité et/ou durée de la prise de substance plus importantes que prévu;
• incapacité de contrôler la prise de la substance;
Encadré 1.1
Alcool - Critères CIM 10 d'utilisation nocive pour la santé et de dépendance
Utilisation nocive pour la santé
Mode de consommation d'une substance psycho-active qui est préjudiciable à la santé. Les complications peuvent
être physiques (par exemple, hépatite consécutive à des injections de substances psycho-actives par le sujet lu imême)
ou psychiques (par exemple, épisodes dépressifs secondaires à une forte consommation d'alcool).
le patient ne répond pas aux critères de la dépendance.
Syndrome de dépendance
Pour un diagnostic de certitude, au moins 3 des manifestations suivantes doivent habituellement avoir été
présentes en même temps au cours de la dernière année.
a) Désir puissant ou compulsif d'utiliser une substance psycho·active.
b) Difficultés à contrôler l'utilisation de la substance (début ou interruption de la consommation ou niveaux
d'utilisation).
c) Syndrome de sevrage physiologique quand le sujet diminue ou arrête la consommation d'une substance psychoactive,
comme en témoignent la survenue d'un syndrome de sevrage caractéristique de la substance ou l 'utilisation
de la même substance (ou d'une substance apparentée) pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage.
d) Mise en évidence d'une tolérance aux effets de la substance psycho-active : le sujet a besoin d'une quantité
plus importante de la substance pour obtenir l'effet désiré. (Certains sujets dépendants de l'alcool ou des opiacés
peuvent consommer des doses quotidiennes qui seraient létales ou incapacitantes chez les sujets non dépendants.)
e) Abandon progressif d'autres sources de plaisir et d'intérêts au profit de l'utilisation de la substance psychoactive,
et augmentation du temps passé à se procurer la substance, la consommer, ou récupérer de ses effet s.
f) Poursuite de la consommation de la substance malgré la survenue de conséquences manifestement nocives
(par exemple, atteinte hépatique due à des excès alcooliques, épisodes dépressifs après une période de
consommation importante ou altération du fonctionnement cognitif liée à la consommation d'une substance).
On doit s'efforcer de préciser que le sujet était au courant, ou qu'il aurait dû être au courant, de la
nature et de la gravité des conséquences nocives.
augmentation du temps passé à se procurer la substance, à l'utiliser ou à récupérer de ses
effets;
• activités (sociales, professionnelles. de loisi rs) réduites du fait de l'utilisation de la substance;
• poursuite de l'utilisation de la substance malgré un problème psychologique et/ou physique
en rapport avec la substance.
Ils peuvent s'associer à :
• une tolérance . augmentation de la quantité de substance nécessaire pour obtenir l'effet désiré;
• des signes de sevrage qui définissent la dépendance physique : syndrome de sevrage (qui
apparaît systématiquement lorsque le produit quitte l'organisme) ou prise d'une autre
substance pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage.
La dépendance peut entraîner des conséquences négatives (nocives), mais pas obligatoirement,
surtout au début.
L'addiction correspond en fait à la dépendance.
La consommation excessive recouvre l'ensemble des mésusages.
L'alcoolisme est un terme désuet qui correspond souvent à des dépendances sévères.

dimanche 17 avril 2016

Métastases et maladie métastatique

La caractéristique essentielle de l’évolution d’une tumeur maligne est sa capacité
potentielle à être à l’origine d’une dissémination cellulaire à distance du site
initial. Cette éventualité, éminemment variable suivant le type, le siège et le
volume des tumeurs, concerne cependant environ 50 % des patients, soit
d’emblée, soit au cours de la période post-thérapeutique initiale.

◗ÉTAPES DE L’EXTENSION METASTATIQUE

La constitution d’une extension métastatique, lymphatique ou sanguine, est un
processus biologique complexe faisant appel à une succession d’étapes, toutes
n’étant pas parfaitement connues.
Invasion
La première étape est constituée par l’invasion tumorale, propriété caractéristique
des populations néoplasiques malignes qui sont capables d’infiltrer les barrières
naturelles et les parois vasculaires (fig. 17.1), essentiellement grâce à
l’action d’enzymes protéolytiques qu’elles sécrètent elles-mêmes ou dont elles
provoquent la sécrétion par le tissu sain environnant (fig. 17.2).
Ces enzymes favorisant l’invasion tumorale sont activées par des médiateurs
chimiques cellulaires et rentrent souvent en jeu dans les mécanismes biologiques
de la coagulation sanguine avec laquelle les mécanismes métastatiques
entretiennent des rapports étroits, aussi bien lors de l’invasion
tumorale locale que lors de l’arrêt des cellules tumorales dans les organes
cibles.
L’invasion locale est le fruit de plusieurs autres phénomènes expérimentalement
bien connus comme l’augmentation de la pression intratumorale,
l’augmentation de la motilité cellulaire avec perte de la cohésion
intercellulaire.
Extension intravasculaire
L’extension cellulaire intravasculaire a pu être expérimentalement quantifiée, voisine
de 3 à 4 × 104 cellules par gramme de tumeur par 24 heures. Cette perte
cellulaire est en fait très variable suivant les tumeurs (5 à 50 %), pouvant aller
jusqu’à la diminution de volume des tumeurs primitives.
Le passage intravasculaire des cellules tumorales entraîne une très grande perte
cellulaire, mais seule une très faible proportion est susceptible d’entraîner la formation
de métastases. Cette destruction cellulaire est d’origine mécanique mais
surtout immunologique, les caractéristiques d’antigénicité tumorale étant déterminantes.
Ainsi, si une tumeur est fortement antigénique, les possibilités métastatiques
restent faibles, même s’il existe une invasion vasculaire. En revanche,
si une tumeur est faiblement antigénique, ses possibilités métastatiques sont
logiquement importantes.
Dans tous les cas, le processus métastatique présente un rendement très faible.
Ainsi, on a pu évaluer à 107 à 109 par jour le nombre de cellules tumorales
présentes dans la veine rénale d’un patient porteur d’un adénocarcinome
rénal ou, expérimentalement, à 106 cellules par jour les cellules tumorales
dans la veine efférente d’un carcinome ovarien de la rate. Ces chiffres sont
bien supérieurs à la fréquence réelle des localisations métastatiques, montrant
que le processus a un rendement très faible estimé expérimentalement à
moins de 1 % lors de l’injection IV de cellules tumorales autologues chez les
muridés.
Formation des métastases
La phase décisive de la survenue de métastases est représentée par l’arrêt cellulaire
dans la vascularisation d’un organe cible. L’essentiel du phénomène est
résumé par la création d’un amalgame entre les cellules tumorales et les éléments
constitutifs de l’hémostase (fibrine, plaquettes) avant la migration transendothéliale
des cellules tumorales vers le parenchyme adjacent .
Expérimentalement, les médicaments anticoagulants sont susceptibles de diminuer
la fréquence de la constitution métastatique pour un nombre constant de
cellules tumorales injectées.
Enfin l’installation et la pénétration des cellules tumorales dans le tissu hôte sont
facilitées par les mouvements cellulaires pseudo-amibiens ou actifs et la création
d’une néovascularisation d’emprunt. Bon nombre de cellules tumorales sont
susceptibles de créer alors leur propre réseau vasculaire par la sécrétion d’un
Tumoral Angiogenesis Factor (TAF).
L’ensemble des phénomènes de formation métastatique pose le problème de
l’existence de mécanismes passifs mécaniques et/ou de mécanismes actifs, les
cellules tumorales « choisissant » de façon sélective l’organe siège de la métastase.
Les conséquences du drainage lymphoveineux anatomique sur la topographie
métastatique sont claires et bien connues (fig. 17.4 et 17.5). Il faut cependant
noter que les shunts lymphoveineux sont fort nombreux expliquant que l’extension
ganglionnaire tumorale, bien qu’initiale, soit souvent un index prédictif de
la dissémination hématogène. Par ailleurs, certaines particularités anatomiques,
comme le réseau veineux prévertébral à basse pression, expliquent des topographies
métastatiques électives, les localisations osseuses vertébrales du cancer
prostatique, par exemple.
Tropisme métastatique
L’hypothèse d’une sélection biologique dans l’apparition des métastases est
hautement probable, fortement suggérée par de multiples données expérimentales.
Ainsi, les cellules de métastases pulmonaires de tumeurs expérimentales,
une fois excisées et réinjectées, augmentent leurs capacités à faire naître des
colonies pulmonaires au fil des excisions et des réinjections. Le tropisme organique
de la dissémination métastatique est différent d’un type tumoral à l’autre
et fait à l’heure actuelle l’objet d’hypothèses :
– dissémination homogène dans tous les organes, mais développement
uniquement dans certains sous l’influence de facteurs de croissance ou
d’hormones, présents dans les organes cibles préférentiels ;
– adhésion préférentielle des cellules tumorales circulantes sur la surface
endothéliale de l’organe cible (suppose des déterminants cellulaires spécifiques
de l’endothélium en question) ;
– cellules tumorales sensibles à un chimiotactisme exercé par des substances
solubles diffusant hors de l’organe cible et capable de favoriser l’agrégation
cellulaire et son embolisation dans cet organe cible.
L’étude des différentes populations cellulaires constitutives d’une tumeur montre
qu’il existe des différences génotypiques plus ou moins marquées qui
feraient que seule une partie de la population tumorale a les capacités de deve-

Arrêt cardiocirculatoire

1. Définition, épidémiologie
La mort subite de l'adulte constitue une pathologie fréquente, qui concernerait environ
40000 personnes chaque année en France. Malgré les progrès réalisés, le pronostic de cette
affection demeure extrêmement sombre. L'arrêt cardiaque (ou cardiorespiratoire) est en effet
responsable d'une mortalité très élevée (plus de 90 %), mais aussi d'une morbidité importante
comportant des séquelles neurologiques parfois lourdes. L'identification rapide de la
situation et l'application de manoeuvres de réanimation bien codifiées représentent les enjeux
essentiels de la prise en charge de cette pathologie.
A. Définition de la mort subite
La mort subite correspond à un arrêt cardiorespiratoire brutal, inattendu, sans cause extracardiaque
évidente (sont exclus les causes traumatiques, les intoxications. les causes
asphyxiques ... ), survenant chez un patient ne présentant pas de condition prémorbide en
phase terminale (cancer métastatique, insuffisance respiratoire terminale ... ).
B. Épidémiologie de la mort subite
La mort subite représente une pathologie fréquente, avec une prédominance masculine (deux
hommes pour une femme) et un âge moyen de survenue d'environ 60 ans. Elle survient le plus
souvent à domicile, et en présence d'un témoin dans 80 % des cas. En France, la principale
cause de mort subite est la cardiopathie ischémique.
L'arrêt cardiaque correspond à une absence d'activité mécanique efficace du myocarde.
Électriquement, cette inefficacité peut résulter de deux situations, très différentes et relevant
d'une prise en charge médicale différente en fonction du premier rythme cardiaque enregistré:
le rythme cardiaque peut être « choquable »(fibrillation ventriculaire ou tachycardie vent riculaire
sans pouls), représentant 25 à 30 % des cas, pour lesquels la défibrillation s'impose;
• le rythme cardiaque peut être« non choquable »(asystolie, dissociation électromécanique
ou rythme sans pouls, trouble conductif de haut degré), représentant 70 à 75 % des cas,
pour lequel la défibrillation est inefficace et n'est pas recommandée.
Globalement, moins de 1 O % des patients auront une évolution favorable appréciée sur la
survie avec peu ou pas de dégât neurologique. Les principaux facteurs pronostiques associés
à la survie sont les suivants :
• un rythme in itial choquable (tachycardie ventriculaire ou f ibrillation ventriculaire);
• la présence d'un témoin, survenue dans un lieu public ;
• un massage cardiaque externe débuté par le témoin;
• un délai de «no flow» bref (délai entre la survenue de l'arrêt cardiaque et le premier massage
cardiaque externe);
• un délai de« low flow» bref (délai entre le début du massage cardiaque et la reprise d'activité
circulatoire spontanée


Algorithme de prise en charge
La prise en charge de cette pathologie, dont la précocité est un facteur pronostique essent iel, repose sur
un algorithme internationalement admis , qui repose sur le concept de« chaîne de survie». Les
cinq maillons de cette chaîne sont les suivants:
reconnaissance précoce de l'arrêt cardiaque et alerte immédiate des secours;
réanimation cardiopulmonaire de base;
application précoce d'une défibrillation le cas échéant;
réanimation cardiopulmonaire spécialisée;
prise en charge hospitalière spécialisée.



Il. Chaîne de survie préhospitalière
A. Reconnaissance de l'arrêt cardiaque
La rapidité d'identification d'un arrêt cardiaque est un paramètre essentiel permettant la mise
en oeuvre rapide des manoeuvres de réanimation. Dans cette optique, et compte tenu du
risque de méconnaître un réel arrêt card iaque ou de retarder la prise en cha rge, les recommandations
relatives au diagnostic d'arrêt card iaque ont été largement simplifiées. Ainsi, il est
préconisé de considérer qu'un patient est en arrêt cardiaque si :
• il est inconscient et ne bouge pas;
• il ne répond pas à l'appel;
• il ne respire pas (inspection, auscultation) ou présente une respiration agonique («gasps»).
Les « gasps» sont des mouvements ventilatoires réflexes, parfois observés lors de l'arrêt
cardiaque. Bruyants mais inefficaces, ils ne doivent pas être interprétés comme la persistance
d'une activité ventilatoires efficace, faisant alors méconnaître le diagnostic d'arrêt
card iorespiratoire.
Ainsi, la recherche du pouls ne doit plus être systématique : elle est réservée aux personnels de
santé expérimentés. Lorsqu'elle est réalisée, cette recherche du pouls (carotidien ou fémoral)
doit être rapide (moins de 10 secondes) : en cas de doute, il est vivement recommandé de
débuter les gestes de survie sans délai supplémentaire
B. Alerte des secours
La suspicion d'un arrêt cardiaque doit conduire à l'appel immédiat des secours en utilisant
l'un des numéros d'appel gratuit suivants: 15 (SAMU), 18 (Pompiers) ou 112 (numéro d'appel
européen). Lorsque les premiers secours sont contactés, le régulateur doit préconiser par téléphone
au témoin présent de réaliser un massage cardiaque externe, même si ce témoin n'a pas
eu de formation préalable à la pratique de ces gestes. Le fait de recommander par téléphone
la réalisation d'un massage cardiaque, y compris par un témoin non entraîné, s'accompagne
d'une amélioration de la survie car elle diminue la durée du «no flow ».
C. Réanimation cardiopulmonaire de base
1. Massage cardiaque externe
Dès que le diagnostic d'arrêt cardiaque est posé et après appel des premiers secours, il convient
de commencer la réalisation d'un massage cardiaque externe. Le massage cardiaque externe
est la pierre angulaire de la réanimation cardiopulmonaire : il est souhaitable d'enseigner sa
pratique au plus grand nombre de personnes, mais il peut être pratiqué par n' importe quel
intervenant, même s'il n'a pas reçu de formation spécifique
Compressions thoraciques
Les compressions thoraciques doivent être réalisées suivant les modalités suivantes:
le patient doit être a llongé sur le dos, sur un plan dur, secouriste agenouillé à côté du patient;
la paume de la première main est placée au milieu du sternum, et la paume de la deuxième main
appuyée sur le dos de la première;
le secouriste applique une dépression de 5-6 cm en appuyant sur le sternum, les bras tendus;
après chaque compression, il faut relâcher la pression et permettre la réexpansion thoracique pendant
une durée égale à la durée de la compression;
le rythme est de 100 compressions pa r minute;
si plusieurs secouristes sont présents, ils doivent se relayer régulièrement: les compressions deviennent
inefficaces après 2 minutes d'effort continu, alors que la sensation de fatigue ne survient que 2 à
3 minutes plus tard, ce qui souligne l'importance d'un relais systématique;
les interruptions du massage cardiaque doivent être évitées au maximum.
La prolongation d'un massage cardiaque efficace sur des durées importantes n'est pas envisageable
avec des moyens conventionnels. Différents systèmes mécanisés ont été récemment
développés pour faciliter la poursuite des compressions thoraciques sur des périodes de
temps prolongées, en automatisant sa réalisation (bande constrictive ou piston pneumatique).
L'utilisation de ces dispositifs dans le contexte d'un arrêt cardiaque prolongé, par exemple lors
du transport vers l'hôpital d'une victime d'un arrêt ca rdiaque réfractaire, devient ainsi possible.
Dans certains centres sélectionnés, ces systèmes automatisés sont également utilisés dans le
cadre de programmes visant à préserver une perfusion viscérale optimale avant la réalisation
de prélèvements d'organes à visée thérapeutique (prélèvements dits« à coeur arrêté »).
2. Voies aériennes supérieures
Le massage cardiaque doit s'accompagner d'une libération des voies aériennes supérieures,
permettant l'extraction d'un éventuel corps étranger, et d'une bascule de la tête en arrière.
Compte tenu de la difficulté et de la possible réticence des témoins à prat iquer le boucheà-
bouche, et parce que les réserves en oxygène de l'organisme sont souvent suffisantes pendant
les premières minutes, il n'est plus recommandé de pratiquer systématiquement une
ventilation artificielle lors de la prise en charge précoce d'un arrêt cardiaque par un témoin non
médical. Cette stratégie permet de donner la priorité au massage cardiaque.
Au-delà des premières minutes, le massage cardiaque est combiné à une ventilat ion artificielle
(bouche à bouche ou ventilation au ballon en contexte médicalisé) La ventilation est réalisée
après avoir placé la tête en extension, libéré les voies aériennes supérieures, avec une insufflation
d'environ 1 seconde, devant conduire à une élévation visible du thorax. La combinaison
entre le massage cardiaque externe et la ventilation est faite au rythme de deux insufflations
toutes les 30 compressions.
D. Défibrillation précoce
Après mise en oeuvre de la réanimation cardiopulmonaire de base, l'analyse du rythme cardiaque
sous-jacent constitue une priorité pour délivrer le cas échéant une défibrillation par
choc électrique externe (tableau 15.1 , encadré 15.1) La défibrillation peut être appliquée par
toute personne présente, non nécessairement par un personnel médical ou paramédical, à
l'aide des défibrillateurs en accès libre, désormais disponibles dans de nombreux lieux publics.
La défibrillation correspond à l'application d'un choc électrique externe, qui peut être réalisée
par un défibrillateur manuel, semi-automatique ou automatique. La défibrillation est proposée pour les rythmes dits « choquables" (fibrillation ventriculaire ou tachycardie ventriculaire sans
pouls) et peut. dans ces situations, restaurer un rythme cardiaque organisé. permettant la
reprise d'une activité circulatoire efficace. Elle n'a aucun intérêt et ne doit pas être réalisée si le
rythme cardiaque est «non choquable » (asystolie, dissociation électromécanique).
Lorsqu'elle est indiquée, la précocité de la défibrillation constitue un facteur pronostique
majeur. et la probabilité de succès (reprise d'activité circulatoire) est corrélée à la rapidité de la
défibrillation. Le choc électrique se réalise classiquement avec un courant d'énergie biphasique.

Ill. Réanimation cardiopulmonaire spécialisée
A. Mise en condition
Si la réanimation cardiopulmonaire de base et l'application (le cas échéant) d'une défibrillation
n'ont pas permis le retour à une activité circulatoire efficace. il convient de mettre en oeuvre
une réanimation cardiopulmonaire spécialisée, sans interrompre le massage cardiaque préalablement
débuté. Cette réanimation spécialisée inclut les axes suivants :
• ventilation : protection des voies aériennes supérieures et intubation orotrachéale pour
assurer une oxygénation suffisante (objectif : Sao, entre 94 et 98 %), et une normocapnie.
• accès vasculaire : mise en place d'une voie veineuse périphérique (à défaut, voie intraosseuse
ou cathéter veineux cent ral) pour permettre l'administration de médicaments;
parfois utilisée pour injecter de l'adrénaline en l'absence d'autre voie disponible. la voie
intratrachéale n'est pas recommandée pour l'administration des autres médicaments.
B. Médicaments
Deux traitements (adrénaline et amiodarone) sont recommandés à la phase tout à fait initiale.
La stratégie d'emploi de ces médicaments diffère en fonction du rythme cardiaque initial .
• adrénaline: malgré la controverse qui entoure son usage, l'adrénaline demeure la drogue vasopressive
à utiliser en première intention, quelle que soit l'étiologie de l'arrêt cardiaque. La dose
recommandée est de 1 mg tous les deux cycles de RCP, soit environ toutes les 3 à 5 minutes. La
première dose est injectée d'emblée lorsque le rythme n'est pas choquable. Lors du traitement
d'un rythme choquable (fibrillation ou tachycardie ventriculaire), l' injection d'adrénaline est réalisée
après le 3' choc alors que les compressions thoraciques ont été reprises, et ensuite toutes les
3 à 5 minutes pendant les cycles de RCP. Après chaque bolus d'adrénaline, un cycle de 2 minutes
de compressions thoraciques est repris, et une nouvelle analyse du rythme est réalisée à l'issue
de ce cycle. Lorsque le rythme initial n'était pas choquable, l'adrénaline peut permettre d'obtenir
un rythme choquable, et de délivrer alors un choc électrique externe;
• amiodarone : c'est l'antiarythmique recommandé en cas de fibrillation ou de tachycardie
ventriculai re sans pouls résistant à la cardioversion électrique. Elle doit être utilisée immédiatement
avant le 3' choc électrique externe à la dose de 300 mg injectés par voie intraveineuse
directe. La lidocaïne constitue une alternative si l'amiodarone n'est pas disponible.
D'autres traitements ont été proposés mais sont à l'heure actuelle réservés à des indications
spécifiques et ne sont pas recommandés dans la prise en charge standardisée de l'arrêt cardiaque.
Il s'agit principalement des traitements suivants :
• alcalinisation par bicarbonate de sodium (seule indication : hyperkaliémie ou intoxication
par médicaments à effet stabilisateur de membrane);
• sulfate de magnésium (seule indication : torsade de pointe);
• thrombolyse intraveineuse (seule indication : embolie pulmonaire prouvée ou fortement
suspectée);
• atropine (seule indication : bloc sin usai ou nodal);
• vasopressine.
C. Recherche de cause curable
Concomitamment aux mesures de réanimation symptomatique préalablement mentionnées, une
démarche diagnostique étiologique doit être menée, avec obtention d'une anamnèse (si témoins
présents) et d'un examen clin ique, afin d'identifier une cause à l'arrêt cardiaque, en particulier
une cause curable pouvant conduire à une intervention thérapeutique précoce
A l'issue de la phase préhospitalière, les patients ayant repris une activité circulatoire (environ 30 %
des cas) sont transportés à l'hôpital, le plus souvent en réanimation. Il est en revanche usuel de
stopper la réanimation et de prononcer le décès en cas d'asystolie persistante malgré 30 minutes
de réanimation bien conduite, sauf en cas d'hypothermie, de contexte toxique ou de persistance
d'une cause favorisante et curable. Si une thrombolyse a été tentée lors de la prise en charge (suspicion
d'embolie pulmonaire), la réanimation doit être poursuivie au moins 60 minutes avant d'être
interrompue - ce délai correspond au délai d'action du f ibrinolytique. Dans le cas particulier de
l'hypothermie accidentelle, la réanimation doit être poursuivie jusqu'à réchauffement.
D. Place de l'assistance mécanique circulatoire
Dans certains cas très particuliers d'arrêt cardiaque réfractaire à toutes les manoeuvres habituelles
de réanimation, il est parfois justifié de recourir à la mise en place d'une assistance
mécanique circulatoire externe (Extracorporeal Life Support, ECLS). Cette stratégie permet
d'offrir un espoir de survie supplémentaire dans des situations où le pronostic neurologique
apparaît encore préservé. Cette assistance circulatoire est le plus souvent mise en place à l'arrivée
à l'hôpital, après un transport rapide de la victime chez laquelle le massage cardiaque aura
été poursuivi sans interruption, le plus souvent à l'aide d'un dispositif de massage cardiaque
mécanisé. Outre les arrêts cardiaques survenant dans un contexte d'intoxication ou d'hypothermie
< 32 °(, les experts français considèrent que l 'emploi de l'assistance circulatoire est
également possible lorsque les conditions suivantes sont réunies : absence de comorbidité
majeure, durée sans massage cardiaque externe («no f/ow») nulle ou inférieure à 5 minutes,
durée prévisible totale du massage cardiaque externe ( « low flow») inférieure à 1 OO minutes,
et massage cardiaque efficacement mené.
E. Situations particulières
1. Arrêt cardiaque intrahospitalier
Dans l'attente de l'équipe médicale, la réanimation cardiopulmonaire doit être commencée
sans délai par les personnels présents et le chariot d'urgence doit être amené au chevet du
patient. Tout médecin disponible à proximité doit être sollicité et la défibrillation doit être mise
en oeuvre dès que possible. Chez un patient hospitalisé, la ventilation au bouche-à-bouche
n'est pas recommandée. La ventilation artificielle réalisée par les professionnels de santé est
effectuée à l'aide d'un masque et d'un insufflateur manuel alimenté en oxygène. L'absence de
matériel de ventilation ou l'inefficacité de la ventilation impose de poursuivre la réanimation
par des compressions thoraciques en continu.
2. Noyades
Les noyés doivent être extraits du milieu aquatique le plus rapidement possible afin de bénéficier
d'une réanimation efficace. La ventilation peut être commencée dans l'eau par des sauveteurs entraînés.
Compte tenu de la physiopathologie de la noyade, la réanimation cardiopulmonaire doit débuter
par 5 insufflations. La stabilisation rachidienne ne doit pas être systématique : elle est réservée à des
circonstances évocatrices de traumatisme du rachis (plongeon, sport de glisse, signes neurologiques)
ou en cas d'intoxication alcoolique. La compression abdominale n'est pas indiquée en cas de noyade.
3. ACR et grossesse
Dans les pays économiquement développés, l'incidence de l'arrêt cardiaque chez la femme
enceinte est estimée à 1 pour 30 000 accouchements. Les causes sont essentiellement en
rapport avec des pathologies spécifiques compliquant la grossesse (embolie pulmonaire,
Défaillances cardiocirculatoires aiguës
éclampsie, HELPP syndrome, hémorragie), mais il peut également s'agir d'une cause « classique
» (cardiopathie méconnue, par exemple). A partir de la 20' semaine de grossesse, les
modifications morphologiques liées à la grossesse justifient certaines particularités de la réanimation.
Pour favoriser le retour veineux, pendant le massage cardiaque, l'utérus doit être
récliné vers la gauche de 15° soit manuellement, soit en surélevant la fesse droite de la femme.
Pour réaliser les compressions thoraciques, les talons des mains sont appliqués sur le sternum
plus haut que pour la femme non enceinte. A cause du risque maximal de régurgitation, une
pression cricoïdienne doit être maintenue jusqu'à la réa lisation de l'intubation endotrachéale
qui doit être précoce. Elle doit être réalisée avec une sonde d'intubation d'un diamètre interne
inférieur de 0,5 à 1 mm à celui habituellement utilisé pour une femme non enceinte. La
défibrillation suit les mêmes règles que pour tous les adultes (l 'impédance transthoracique
ne semble pas être modifiée par la grossesse). Les électrodes de défibri llation doivent être
placées en transthoracique. Le pronostic maternel et foetal dépend de la rapidité du succès de
la réanimation cardiopulmonaire. Une extraction de sauvetage peut être proposée, en milieu
spécialisé, après la 25' semaine de grossesse. Elle peut améliorer le pronostic de la mère et de
l'enfant si elle est réalisée dans les 5 minutes qui suivent l'arrêt cardiaque.
4. ACR et traumatisme
La réanimation d'un ACR d'origine traumatique doit en premier lieu suivre les mêmes recommandations
que celles en vigueur pour la réanimation des ACR d'origine« médicale». La prise
en charge du traumatisme vient en complément de la réanimation de l'ACR mais ne doit pas
s'y substituer. Certaines étiologies curables à l'origine d'un ACR survenant dans le contexte
d'un traumatisme doivent être rapidement identifiées car leur traitement peut permettre de
restaurer une activité cardiaque spontanée efficace :
• pneumothorax compressif, qui nécessite une pondion exsufflatrice à l'aiguille ou une
thoracostomie,
• désamorçage hypovolémique lors d'un choc hémorragique qui nécessite un remplissage
majeur et rapide, associé à l'administration d'un vasoconstrideur;
• fibrillation ventriculaire survenant dans le cadre d'un commotio cordis qui nécessite une
défibrillation immédiate.

IV. Prise en charge hospitalière
Après un arrêt cardiaque, le taux de mortalité des patients admis à l'hôpital (en réanimation
dans la plupart des cas) est très élevé. Cette mortalité importante s'explique par deux phénomènes,
fréquemment intriqués chez un même patient :
• lorsque l' arrêt cardiaque a été prolongé, une insuffisance circulatoire aiguë est souvent
observée au décours, conduisant parfois à un état de choc post-arrêt cardiaque et à une
défaillance multiviscérale;
• malgré le succès de la réanimation initialement menée, de nombreux patients vont présenter
des lésions neurologiques anoxo-ischémiques irréversibles, non compatibles avec la vie.
A. Prise en charge hémodynamique
1. Syndrome post-arrêt cardiaque
Dans les suites d'une reprise d'activité circulatoire, un syndrome post-arrêt cardiaque peut
survenir, responsable d'une défaillance multiviscérale de gravité variable. Ce syndrome est
multifactoriel, favorisé par deux mécanismes :
Arrêt cardiocirculatoire
• déprivation en oxygène des organes (avec mise en oeuvre du métabolisme anaérobie) pendant
la période d'arrêt circulatoire;
• phénomène d'ischémie-reperfusion consécutif à la reprise d'une activité circulatoire efficace,
conduisant à un relargage plasmatique de différents médiateurs de l'inflammation
tissulaire.
La combinaison de ces deux phénomènes peut conduire à la survenue d'un état de choc très
sévère dans les heures suivant la reprise d'activité circulatoire. L'insuffisance circulatoire aiguë
post-arrêt cardiaque associe typiquement deux composantes, dans des proportions variables :
• une dysfonction myocardique systolique et diastolique ventricu laire gauche, pouvant survenir
même en l'absence de cardiopathie sous-jacente ou de cause cardiaque à l'arrêt cardiaque
. son diagnostic repose essentiellement sur la réalisation d'une échocardiographie,
qui guide le traitement inotrope (dobutamine). Dans les formes les plus sévères, une assistance
circulatoire mécanique est parfois nécessaire. Sauf dég~ts myocardiques engendrés
par une nécrose myocardiaque, cette défaillance est le plus souvent transitoire et récupère
habituellement en 72 heures;
• une vasoplégie périphérique, conséquence de l'inflammation systémique engendrée par
le phénomène d'ischémie-reperfusion : son traitement repose sur une optimisation de la
volémie (avec un remplissage vasculaire par cristalloïdes le cas échéant) et un traitement
vasopresseur (noradrénaline).
Parallèlement à la prise en charge de ce choc, une suppléance d'organe ciblée est souvent
nécessaire .
• ventilation mécanique adaptée, pour assurer une hématose correcte (Sa02 entre 94 et 98
% et une cap nie normale);
• épuration extra-rénale, en cas de défaillance rénale responsable de troubles métaboliques
menaçants.
2. Place de la coronarographie immédiate
La cardiopathie ischémique est la première cause de mort subite en France, soit en raison
d'une thrombose coronaire aiguë (infarctus du myocarde), soit par l'intermédiaire de cicatrices
ventriculaires proarythmogènes. En cas de thrombose coronaire aiguë responsable d'une mort
subite, la réalisation d'une angioplastie coronaire immédiate est associée à une amélioration
de la survie. Par conséquent, lorsqu'une cause coronaire est suspectée (terrain, anamnèse,
rythme choquable, aspect de l'ECG), une coronarographie est réa lisée précocement, avec réalisation
d'une angioplastie le cas échéant.
B. Prise en charge neurologique
L'arrêt cardiaque entraîne des lésions neurologiques par plusieurs mécanismes. D'une part,
la demande métabolique cérébrale pendant la période d'interruption de l'activité circulatoire
entraîne une consommation d'oxygène et d'ATP cérébral, conduisant à un épuisement des
réserves énergétiques, puis à une destruction neuronale. D'autre part, lors de la reprise de
l'activité circulatoire à l'issue de la réanimation initiale, des espèces radicalaires oxygénées, des
médiateurs de l'inflammation et des acides aminés neuroexcitateurs sont produits en quantité
importante, aboutissant à des lésions cytotoxiques directes.
Ces lésions cérébrales anoxo-ischémiques sont peu accessibles aux traitements et les efforts se
concentrent sur la prévention de leur aggravation au cours des premières heures et des premiers
jours. Depuis le début des années 2000, plusieurs études cliniques ont montré l'intérêt d'abaisser
systématiquement la température corporelle entre 32 °C et 34 °C pendant les 24 premières
heures de la prise en charge des patients réanimés avec succès d'un arrêt cardiaque.
En effet, l'hypothermie induite permet de diminuer le métabolisme cérébral et de réduire le
relargage des substances neurotoxiques. A l'heure actuelle, la mise en place de l'hypothermie
..
Défaillances cardiocirculatoires aiguës
IPM\
thérapeutique est recommandée systématiquement pour les patients dans le coma à l'issue
de la réanimation initiale d'un arrêt cardiaque en rythme choquable. Elle reste discutée dans
les arrêts cardiaques de rythme non choquable. Elle doit être mise en place pour une durée de
12 à 24 heures avec comme température cible 32 °C à 34 °C, mais cette cible thermique est
débattue car des études récentes ont montré des résultats équivalents en ciblant 36 °C.

Viabilité myocardique

La dysfonction ventriculaire est une des causes majeures de morbidité et de mortalité chez les patients
coronariens. La recherche d’une dysfonction réversible ou « myocarde viable » a des implications
cliniques et pronostiques importantes. En effet, la revascularisation myocardique en présence de
myocarde viable permet d’améliorer les symptômes d’insuffisance cardiaque et la survie postopératoire,
et ce même lorsque la fonction ventriculaire gauche est altérée à un point tel qu’une transplantation
cardiaque pourrait être envisagée.

■ Introduction
Durant de nombreuses années, les régions ventriculaires non
contractiles ont été considérées comme infarcies. Avec le
développement de la chirurgie de pontages aortocoronaires, à la
fin des années 1970, plusieurs cas d’amélioration de la fonction
ventriculaire gauche après chirurgie ont été décrits. [1, 2]
Malheureusement, cette amélioration ne se rencontre pas chez
tous les patients dont la fonction est altérée. De plus, le
bénéfice potentiel d’une telle chirurgie doit être mis en relation
avec le risque opératoire accru que l’on connaît chez les patients
souffrant d’insuffisance cardiaque.
Comme le démontrent ces observations, dans certains cas, le
myocarde dysfonctionnel peut être « réveillé » et récupérer
partiellement ou en totalité sa fonction. En 1978, Diamond et
Forester proposèrent le terme de « myocarde hibernant » pour
définir ces régions. [3] Depuis, la classification nosologique des
cardiopathies ischémiques a évolué. Elle comprend actuellement
trois entités différentes :
• l’infarctus, correspondant à la nécrose myocardique ; le tissu
contractile est remplacé par de la fibrose ; cette situation est
irréversible ;
• la sidération myocardique (stunning), décrite expérimentalement
par Heyndricks, qui correspond à la dysfonction
myocardique transitoire après une ischémie transitoire, et
s’accompagne d’une récupération complète et spontanée de la
fonction ; [4]
• l’hibernation myocardique (hibernating myocardium), définie
par Brauwald et Rutherford, et par Rahimtola, comme une
dysfonction myocardique chronique d’origine ischémique
capable de recouvrer totalement ou partiellement sa fonction
par revascularisation ; [5, 6] ce myocarde dysfonctionnel
capable de récupérer une fonction est encore appelé « myocarde
viable »

■ Physiopathologie du myocarde hibernant

Pendant longtemps, l’hibernation myocardique a été assimilée
à un mécanisme de mise en veille du myocarde face à une
diminution du flux sanguin. Le muscle cardiaque s’adapterait de
façon « intelligente » à une diminution de sa perfusion par une
diminution de la contraction, restaurant ainsi l’équilibre entre
les besoins énergétiques et les apports. [6] Cette hypothèse est
actuellement rejetée par plusieurs travaux récents qui démontrent
clairement que le flux sanguin est souvent préservé ou
seulement légèrement diminué dans les zones dysfonctionnelles.
[7, 8] En revanche, la réserve coronaire est réduite. Actuellement,
la physiopathologie du myocarde hibernant peut être
résumée comme suit. Certains épisodes ischémiques s’accompagnent
d’une dysfonction postischémique (ou sidération myocardique)
qui, dans un premier temps, récupère totalement.
Lorsque la maladie coronaire progresse, que la réserve coronaire
s’altère et que les épisodes ischémiques deviennent plus fréquents,
on peut voir s’installer un état de sidération chronique
au cours duquel les épisodes ischémiques surviennent avant que
la fonction n’ait pu totalement récupérer du précédent épisode.
Avec le temps, une progression encore plus sévère des lésions
coronaires est responsable d’une quasi-abolition de la réserve

Comment détecter le myocarde
viable ?

Pour être « viable », le myocarde dysfonctionnel doit avoir
conservé une perfusion suffisante pour recevoir des nutriments
et éliminer les déchets du métabolisme. Son intégrité membranaire
doit être préservée et sa machinerie métabolique doit être
capable de consommer du glucose. Finalement, dans bien des
cas, il présente un certain degré de réserve inotrope. Les tests
cliniques de détection de la viabilité myocardique se basent sur
ces caractéristiques.
Scintigraphie de perfusion
La perfusion myocardique est analysée par la scintigraphie au
thallium 201 ou au technétium 99 sestamibi. Selon l’isotope,
des protocoles stress-redistribution-réinjection ou reposredistribution
sont utilisés. [13, 14] Le myocarde dysfonctionnel
est considéré comme viable si le captage cellulaire de l’isotope
est supérieur à 50 % des zones normales sur les images de
redistribution ou de réinjection.
Tomographie par émission de positrons(TEP)
La TEP permet l’analyse de la perfusion (13NH3, ammoniaque),
du métabolisme glucidique (18FDG, fluorodéoxyglucose) et
du métabolisme oxydatif (11C-acétate) au sein du myocarde
dysfonctionnel. Le FDG est un analogue radioactif du glucose.
Non métabolisé, il s’accumule dans la cellule myocardique
hibernante viable. Les premières études, réalisées à jeun,
basaient le diagnostic de viabilité sur la présence d’une discordance
entre une perfusion apparemment réduite (13NH3) et un
métabolisme glucidique (18FDG) conservé ou augmenté. Actuellement,
dans les études réalisées sous clamp hyperinsulinémique,
l’absorption du FDG est la plus importante dans les régions
normales et viables. Les segments viables sont définis par un
captage de FDG supérieur à 60 % des segments normaux. [15]
Échographie de stress sous dobutamine
L’échographie permet d’analyser la réponse contractile du
myocarde dysfonctionnel sous faible dose de dobutamine (de 5
à 10 μg/kg/min). [16] Un segment dysfonctionnel est viable si sa
fonction s’améliore sous faible dose de dobutamine. Le diagnostic
de viabilité myocardique est généralement retenu si au
moins deux segments du même territoire vasculaire montrent
une réponse inotrope.
Imagerie par résonance magnétique (IRM)
Plus récemment, l’IRM a été utilisée pour détecter la présence
de myocarde viable. Le gadolinium (Gd-DTPA), un traceur de
perfusion IRM, a la propriété de s’accumuler dans les zones
infarcies. [17, 18] L’absence d’accumulation dans une zone
dysfonctionnelle signifie donc l’absence de nécrose. Grâce à sa
haute résolution spatiale, l’IRM permet d’analyser le caractère
transmural ou non des nécroses. L’IRM permet également
d’analyser la perfusion myocardique et la contractilité résiduelle
(déformation myocardique).

■ Peut-on prédire la récupération
fonctionnelle du myocarde ?
Les examens de médecine nucléaire (scintigraphie, TEP) ont
une sensibilité quelque peu plus élevée (de 80 à 86 %) et une
spécificité moindre (de 60 à 66 %) que l’échographie dobutamine
(sensibilité : de 70 à 75 % ; spécificité : 80 %) pour prédire
la récupération régionale. [19-21] Prédire l’amélioration de la
fonction globale est cependant plus important car la fraction
d’éjection est directement liée à la survie des patients. Plusieurs
études ont suggéré que de 25 à 30 % du muscle dysfonctionnel
doivent être viables pour permettre une récupération de la
fonction après revascularisation.
■ Quelles sont les implications de la présence de myocarde viable ?
Au plan clinique, les patients revascularisés en présence de
myocarde viable voient leurs symptômes d’insuffisance cardiaque
diminuer. Plusieurs études ont analysé l’impact de la
présence de myocarde viable sur la survie des patients. [22, 23]
Lorsque la dysfonction ventriculaire est modérée (fraction
d’éjection supérieure à 30 %), la revascularisation myocardique
en présence de myocarde viable n’améliore le pronostic que
chez les patients non diabétiques dont la maladie coronaire est
peu extensive. Chez ceux dont la maladie coronaire est étendue
ou qui sont diabétiques, la revascularisation améliore toujours
le pronostic, même si le gain est plus important en présence de
myocarde viable. En revanche, chez les patients dont la fraction
d’éjection est fortement réduite (< 25 %), la détection de
myocarde viable est essentielle. [24] En effet, les patients
revascularisés en présence de myocarde viable ont une survie
comparable à celle des patients transplantés et nettement
supérieure à celle des patients revascularisés sans myocarde
viable.

■ Références
[1] Saltiel J, Lesperance J, Bourassa MJ, Castonguay Y, Campeau L,
Grondin P. Reversibility of left ventricular dysfunction following aortocoronary
bypass grafts.AmJ Roentgenol Radium Ther Nucl Med 1970;
110:739-46.
[2] Rees G, Bristow JD, Fremkau EL, Green GS, Herr RH, Griswold HE,
et al. Influence of aorto coronary bypass surgery on left ventricular
performance. N Engl J Med 1971;284:1116-20.
[3] Diamond GA, Forrester JS, de Luz PL, Wyatt HL, Swan HJ. Postextrasystolic
potentiation of ischemic myocardium by atrial stimulation.
Am Heart J 1978;95:204-9.
[4] Heyndrickx GR, Millard RW, McRitchie RJ, Maroko PR, Vatner SF.
Regional myocardial function and electrophysiological alterations after
brief coronary occlusion in conscious dogs. J Clin Invest 1975;56:978-
85.
[5] Braunwald E, Rutherford J. Reversible ischemic left ventricular
dysfunction: evidence for “hibernating” myocardium. J Am Coll
Cardiol 1986;8:1467-70.
[6] Rahimtoola SH. The hibernating myocardium. Am Heart J 1989;117:
211-21.
[7] Vanoverschelde JL, Wijns W, Depré C, Essamri B, Heyndrickx G,
Borgers M, et al. Mechanism of chronic regional postischemic
dysfunction in humans: new insights from the study of non-infarcted
collateral dependent myocardium. Circulation 1993;87:1513-23.
[8] Firozan S,Wei K, Linka A, Skyba D, Goodman NG, Kaul S.Acanine
model of chronic ischemic cardiomyopathy: characterization of
regional flow function relations. Am J Physiol 1999;276:H445-H455.
[9] Gerber BL, Wijns W, Vanoverschelde JL, Heyndrickx GR, De
Bruyne B, Bartunek J, et al. Myocardial perfusion and oxygen
consumption in reperfused non infarcted dysfunctional myocardium
after unstable angina: direct evidence for myocardial stunning in
humans. J Am Coll Cardiol 1999;34:1939-46.
.
.1
.
11-029-B-10 ¶ Viabilité myocardique
2 Cardiolog


















Mots clés : Viabilité ; Hibernation ; Dysfonction ventriculaire ; Pronostic de l’insuffisance cardiaque

BB


style="display:inline-block;width:300px;height:600px"
data-ad-client="ca-pub-5869387921749604"
data-ad-slot="7361404574">