La caractéristique essentielle de l’évolution d’une tumeur maligne est sa capacité
potentielle à être à l’origine d’une dissémination cellulaire à distance du site
initial. Cette éventualité, éminemment variable suivant le type, le siège et le
volume des tumeurs, concerne cependant environ 50 % des patients, soit
d’emblée, soit au cours de la période post-thérapeutique initiale.
◗ÉTAPES DE L’EXTENSION METASTATIQUE
La constitution d’une extension métastatique, lymphatique ou sanguine, est un
processus biologique complexe faisant appel à une succession d’étapes, toutes
n’étant pas parfaitement connues.
Invasion
La première étape est constituée par l’invasion tumorale, propriété caractéristique
des populations néoplasiques malignes qui sont capables d’infiltrer les barrières
naturelles et les parois vasculaires (fig. 17.1), essentiellement grâce à
l’action d’enzymes protéolytiques qu’elles sécrètent elles-mêmes ou dont elles
provoquent la sécrétion par le tissu sain environnant (fig. 17.2).
Ces enzymes favorisant l’invasion tumorale sont activées par des médiateurs
chimiques cellulaires et rentrent souvent en jeu dans les mécanismes biologiques
de la coagulation sanguine avec laquelle les mécanismes métastatiques
entretiennent des rapports étroits, aussi bien lors de l’invasion
tumorale locale que lors de l’arrêt des cellules tumorales dans les organes
cibles.
L’invasion locale est le fruit de plusieurs autres phénomènes expérimentalement
bien connus comme l’augmentation de la pression intratumorale,
l’augmentation de la motilité cellulaire avec perte de la cohésion
intercellulaire.
Extension intravasculaire
L’extension cellulaire intravasculaire a pu être expérimentalement quantifiée, voisine
de 3 à 4 × 104 cellules par gramme de tumeur par 24 heures. Cette perte
cellulaire est en fait très variable suivant les tumeurs (5 à 50 %), pouvant aller
jusqu’à la diminution de volume des tumeurs primitives.
Le passage intravasculaire des cellules tumorales entraîne une très grande perte
cellulaire, mais seule une très faible proportion est susceptible d’entraîner la formation
de métastases. Cette destruction cellulaire est d’origine mécanique mais
surtout immunologique, les caractéristiques d’antigénicité tumorale étant déterminantes.
Ainsi, si une tumeur est fortement antigénique, les possibilités métastatiques
restent faibles, même s’il existe une invasion vasculaire. En revanche,
si une tumeur est faiblement antigénique, ses possibilités métastatiques sont
logiquement importantes.
Dans tous les cas, le processus métastatique présente un rendement très faible.
Ainsi, on a pu évaluer à 107 à 109 par jour le nombre de cellules tumorales
présentes dans la veine rénale d’un patient porteur d’un adénocarcinome
rénal ou, expérimentalement, à 106 cellules par jour les cellules tumorales
dans la veine efférente d’un carcinome ovarien de la rate. Ces chiffres sont
bien supérieurs à la fréquence réelle des localisations métastatiques, montrant
que le processus a un rendement très faible estimé expérimentalement à
moins de 1 % lors de l’injection IV de cellules tumorales autologues chez les
muridés.
Formation des métastases
La phase décisive de la survenue de métastases est représentée par l’arrêt cellulaire
dans la vascularisation d’un organe cible. L’essentiel du phénomène est
résumé par la création d’un amalgame entre les cellules tumorales et les éléments
constitutifs de l’hémostase (fibrine, plaquettes) avant la migration transendothéliale
des cellules tumorales vers le parenchyme adjacent .
Expérimentalement, les médicaments anticoagulants sont susceptibles de diminuer
la fréquence de la constitution métastatique pour un nombre constant de
cellules tumorales injectées.
Enfin l’installation et la pénétration des cellules tumorales dans le tissu hôte sont
facilitées par les mouvements cellulaires pseudo-amibiens ou actifs et la création
d’une néovascularisation d’emprunt. Bon nombre de cellules tumorales sont
susceptibles de créer alors leur propre réseau vasculaire par la sécrétion d’un
Tumoral Angiogenesis Factor (TAF).
L’ensemble des phénomènes de formation métastatique pose le problème de
l’existence de mécanismes passifs mécaniques et/ou de mécanismes actifs, les
cellules tumorales « choisissant » de façon sélective l’organe siège de la métastase.
Les conséquences du drainage lymphoveineux anatomique sur la topographie
métastatique sont claires et bien connues (fig. 17.4 et 17.5). Il faut cependant
noter que les shunts lymphoveineux sont fort nombreux expliquant que l’extension
ganglionnaire tumorale, bien qu’initiale, soit souvent un index prédictif de
la dissémination hématogène. Par ailleurs, certaines particularités anatomiques,
comme le réseau veineux prévertébral à basse pression, expliquent des topographies
métastatiques électives, les localisations osseuses vertébrales du cancer
prostatique, par exemple.
Tropisme métastatique
L’hypothèse d’une sélection biologique dans l’apparition des métastases est
hautement probable, fortement suggérée par de multiples données expérimentales.
Ainsi, les cellules de métastases pulmonaires de tumeurs expérimentales,
une fois excisées et réinjectées, augmentent leurs capacités à faire naître des
colonies pulmonaires au fil des excisions et des réinjections. Le tropisme organique
de la dissémination métastatique est différent d’un type tumoral à l’autre
et fait à l’heure actuelle l’objet d’hypothèses :
– dissémination homogène dans tous les organes, mais développement
uniquement dans certains sous l’influence de facteurs de croissance ou
d’hormones, présents dans les organes cibles préférentiels ;
– adhésion préférentielle des cellules tumorales circulantes sur la surface
endothéliale de l’organe cible (suppose des déterminants cellulaires spécifiques
de l’endothélium en question) ;
– cellules tumorales sensibles à un chimiotactisme exercé par des substances
solubles diffusant hors de l’organe cible et capable de favoriser l’agrégation
cellulaire et son embolisation dans cet organe cible.
L’étude des différentes populations cellulaires constitutives d’une tumeur montre
qu’il existe des différences génotypiques plus ou moins marquées qui
feraient que seule une partie de la population tumorale a les capacités de deve-
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