dimanche 17 avril 2016

Viabilité myocardique

La dysfonction ventriculaire est une des causes majeures de morbidité et de mortalité chez les patients
coronariens. La recherche d’une dysfonction réversible ou « myocarde viable » a des implications
cliniques et pronostiques importantes. En effet, la revascularisation myocardique en présence de
myocarde viable permet d’améliorer les symptômes d’insuffisance cardiaque et la survie postopératoire,
et ce même lorsque la fonction ventriculaire gauche est altérée à un point tel qu’une transplantation
cardiaque pourrait être envisagée.

■ Introduction
Durant de nombreuses années, les régions ventriculaires non
contractiles ont été considérées comme infarcies. Avec le
développement de la chirurgie de pontages aortocoronaires, à la
fin des années 1970, plusieurs cas d’amélioration de la fonction
ventriculaire gauche après chirurgie ont été décrits. [1, 2]
Malheureusement, cette amélioration ne se rencontre pas chez
tous les patients dont la fonction est altérée. De plus, le
bénéfice potentiel d’une telle chirurgie doit être mis en relation
avec le risque opératoire accru que l’on connaît chez les patients
souffrant d’insuffisance cardiaque.
Comme le démontrent ces observations, dans certains cas, le
myocarde dysfonctionnel peut être « réveillé » et récupérer
partiellement ou en totalité sa fonction. En 1978, Diamond et
Forester proposèrent le terme de « myocarde hibernant » pour
définir ces régions. [3] Depuis, la classification nosologique des
cardiopathies ischémiques a évolué. Elle comprend actuellement
trois entités différentes :
• l’infarctus, correspondant à la nécrose myocardique ; le tissu
contractile est remplacé par de la fibrose ; cette situation est
irréversible ;
• la sidération myocardique (stunning), décrite expérimentalement
par Heyndricks, qui correspond à la dysfonction
myocardique transitoire après une ischémie transitoire, et
s’accompagne d’une récupération complète et spontanée de la
fonction ; [4]
• l’hibernation myocardique (hibernating myocardium), définie
par Brauwald et Rutherford, et par Rahimtola, comme une
dysfonction myocardique chronique d’origine ischémique
capable de recouvrer totalement ou partiellement sa fonction
par revascularisation ; [5, 6] ce myocarde dysfonctionnel
capable de récupérer une fonction est encore appelé « myocarde
viable »

■ Physiopathologie du myocarde hibernant

Pendant longtemps, l’hibernation myocardique a été assimilée
à un mécanisme de mise en veille du myocarde face à une
diminution du flux sanguin. Le muscle cardiaque s’adapterait de
façon « intelligente » à une diminution de sa perfusion par une
diminution de la contraction, restaurant ainsi l’équilibre entre
les besoins énergétiques et les apports. [6] Cette hypothèse est
actuellement rejetée par plusieurs travaux récents qui démontrent
clairement que le flux sanguin est souvent préservé ou
seulement légèrement diminué dans les zones dysfonctionnelles.
[7, 8] En revanche, la réserve coronaire est réduite. Actuellement,
la physiopathologie du myocarde hibernant peut être
résumée comme suit. Certains épisodes ischémiques s’accompagnent
d’une dysfonction postischémique (ou sidération myocardique)
qui, dans un premier temps, récupère totalement.
Lorsque la maladie coronaire progresse, que la réserve coronaire
s’altère et que les épisodes ischémiques deviennent plus fréquents,
on peut voir s’installer un état de sidération chronique
au cours duquel les épisodes ischémiques surviennent avant que
la fonction n’ait pu totalement récupérer du précédent épisode.
Avec le temps, une progression encore plus sévère des lésions
coronaires est responsable d’une quasi-abolition de la réserve

Comment détecter le myocarde
viable ?

Pour être « viable », le myocarde dysfonctionnel doit avoir
conservé une perfusion suffisante pour recevoir des nutriments
et éliminer les déchets du métabolisme. Son intégrité membranaire
doit être préservée et sa machinerie métabolique doit être
capable de consommer du glucose. Finalement, dans bien des
cas, il présente un certain degré de réserve inotrope. Les tests
cliniques de détection de la viabilité myocardique se basent sur
ces caractéristiques.
Scintigraphie de perfusion
La perfusion myocardique est analysée par la scintigraphie au
thallium 201 ou au technétium 99 sestamibi. Selon l’isotope,
des protocoles stress-redistribution-réinjection ou reposredistribution
sont utilisés. [13, 14] Le myocarde dysfonctionnel
est considéré comme viable si le captage cellulaire de l’isotope
est supérieur à 50 % des zones normales sur les images de
redistribution ou de réinjection.
Tomographie par émission de positrons(TEP)
La TEP permet l’analyse de la perfusion (13NH3, ammoniaque),
du métabolisme glucidique (18FDG, fluorodéoxyglucose) et
du métabolisme oxydatif (11C-acétate) au sein du myocarde
dysfonctionnel. Le FDG est un analogue radioactif du glucose.
Non métabolisé, il s’accumule dans la cellule myocardique
hibernante viable. Les premières études, réalisées à jeun,
basaient le diagnostic de viabilité sur la présence d’une discordance
entre une perfusion apparemment réduite (13NH3) et un
métabolisme glucidique (18FDG) conservé ou augmenté. Actuellement,
dans les études réalisées sous clamp hyperinsulinémique,
l’absorption du FDG est la plus importante dans les régions
normales et viables. Les segments viables sont définis par un
captage de FDG supérieur à 60 % des segments normaux. [15]
Échographie de stress sous dobutamine
L’échographie permet d’analyser la réponse contractile du
myocarde dysfonctionnel sous faible dose de dobutamine (de 5
à 10 μg/kg/min). [16] Un segment dysfonctionnel est viable si sa
fonction s’améliore sous faible dose de dobutamine. Le diagnostic
de viabilité myocardique est généralement retenu si au
moins deux segments du même territoire vasculaire montrent
une réponse inotrope.
Imagerie par résonance magnétique (IRM)
Plus récemment, l’IRM a été utilisée pour détecter la présence
de myocarde viable. Le gadolinium (Gd-DTPA), un traceur de
perfusion IRM, a la propriété de s’accumuler dans les zones
infarcies. [17, 18] L’absence d’accumulation dans une zone
dysfonctionnelle signifie donc l’absence de nécrose. Grâce à sa
haute résolution spatiale, l’IRM permet d’analyser le caractère
transmural ou non des nécroses. L’IRM permet également
d’analyser la perfusion myocardique et la contractilité résiduelle
(déformation myocardique).

■ Peut-on prédire la récupération
fonctionnelle du myocarde ?
Les examens de médecine nucléaire (scintigraphie, TEP) ont
une sensibilité quelque peu plus élevée (de 80 à 86 %) et une
spécificité moindre (de 60 à 66 %) que l’échographie dobutamine
(sensibilité : de 70 à 75 % ; spécificité : 80 %) pour prédire
la récupération régionale. [19-21] Prédire l’amélioration de la
fonction globale est cependant plus important car la fraction
d’éjection est directement liée à la survie des patients. Plusieurs
études ont suggéré que de 25 à 30 % du muscle dysfonctionnel
doivent être viables pour permettre une récupération de la
fonction après revascularisation.
■ Quelles sont les implications de la présence de myocarde viable ?
Au plan clinique, les patients revascularisés en présence de
myocarde viable voient leurs symptômes d’insuffisance cardiaque
diminuer. Plusieurs études ont analysé l’impact de la
présence de myocarde viable sur la survie des patients. [22, 23]
Lorsque la dysfonction ventriculaire est modérée (fraction
d’éjection supérieure à 30 %), la revascularisation myocardique
en présence de myocarde viable n’améliore le pronostic que
chez les patients non diabétiques dont la maladie coronaire est
peu extensive. Chez ceux dont la maladie coronaire est étendue
ou qui sont diabétiques, la revascularisation améliore toujours
le pronostic, même si le gain est plus important en présence de
myocarde viable. En revanche, chez les patients dont la fraction
d’éjection est fortement réduite (< 25 %), la détection de
myocarde viable est essentielle. [24] En effet, les patients
revascularisés en présence de myocarde viable ont une survie
comparable à celle des patients transplantés et nettement
supérieure à celle des patients revascularisés sans myocarde
viable.

■ Références
[1] Saltiel J, Lesperance J, Bourassa MJ, Castonguay Y, Campeau L,
Grondin P. Reversibility of left ventricular dysfunction following aortocoronary
bypass grafts.AmJ Roentgenol Radium Ther Nucl Med 1970;
110:739-46.
[2] Rees G, Bristow JD, Fremkau EL, Green GS, Herr RH, Griswold HE,
et al. Influence of aorto coronary bypass surgery on left ventricular
performance. N Engl J Med 1971;284:1116-20.
[3] Diamond GA, Forrester JS, de Luz PL, Wyatt HL, Swan HJ. Postextrasystolic
potentiation of ischemic myocardium by atrial stimulation.
Am Heart J 1978;95:204-9.
[4] Heyndrickx GR, Millard RW, McRitchie RJ, Maroko PR, Vatner SF.
Regional myocardial function and electrophysiological alterations after
brief coronary occlusion in conscious dogs. J Clin Invest 1975;56:978-
85.
[5] Braunwald E, Rutherford J. Reversible ischemic left ventricular
dysfunction: evidence for “hibernating” myocardium. J Am Coll
Cardiol 1986;8:1467-70.
[6] Rahimtoola SH. The hibernating myocardium. Am Heart J 1989;117:
211-21.
[7] Vanoverschelde JL, Wijns W, Depré C, Essamri B, Heyndrickx G,
Borgers M, et al. Mechanism of chronic regional postischemic
dysfunction in humans: new insights from the study of non-infarcted
collateral dependent myocardium. Circulation 1993;87:1513-23.
[8] Firozan S,Wei K, Linka A, Skyba D, Goodman NG, Kaul S.Acanine
model of chronic ischemic cardiomyopathy: characterization of
regional flow function relations. Am J Physiol 1999;276:H445-H455.
[9] Gerber BL, Wijns W, Vanoverschelde JL, Heyndrickx GR, De
Bruyne B, Bartunek J, et al. Myocardial perfusion and oxygen
consumption in reperfused non infarcted dysfunctional myocardium
after unstable angina: direct evidence for myocardial stunning in
humans. J Am Coll Cardiol 1999;34:1939-46.
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11-029-B-10 ¶ Viabilité myocardique
2 Cardiolog


















Mots clés : Viabilité ; Hibernation ; Dysfonction ventriculaire ; Pronostic de l’insuffisance cardiaque

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