Le syndrome de l'intestin irritable (Sii), désignation préférable à celle de colopathie fonctionnelle,
est un des premiers motifs de consultation en gastroentérologie. Le Sii se définit selon
des critères cliniques régulièrement actualisés (critères de Rome 111), par la coexistence de douleurs
abdominales chroniques et troubles du transit (constipation, diarrhée, alternance des
deux) fluctuants.
Cette affection n'engage pas le pronostic vital mais altère considérablement la qualité de vie
des malades.
L'impact médico-économique du Sii est important et largement sous-estimé avec des arrêts de
travail, un absentéisme scolaire, une diminution de la productivité au travail. Le Sii constitue donc,
en dépit de sa bénignité, un problème de santé publique important mais encore mal reconnu
1. Épidémiologie
La prévalence du Sil dans la population générale varie de 10 à 15 % dans tous les pays dumonde.
Un tiers des sujets atteints consultent un médecin pour ce motif avec une prédominance féminine
(70 % de femmes). Le diagnostic est souvent porté entre 30 et 40 ans. Dans 5 à 20 % des
cas, le Sii apparaît au décours d'un épisode de gastroentérite aiguë (Sii post-infectieux). Dans
environ 30 % des cas, des symptômes fonctionnels identiques à ceux du Sii persistent aux
décours des poussées de maladies inflammatoires chroniques intestinales (M ICI) alors qu'elles
sont considérées en rémission (Sii post-inflammatoire).
Il existe 3 phénotypes clin iques du Sii, également représentés, avec constipation prédominante
(Sll-C), diarrhées prédominantes (Sll-D) ou symptômes alternants (Sii-A).
Il. Physiopathologie
La physiopathologie du Sii est multifactorielle et s'appuie sur un modèle bio-psycho-social avecdes altérations à tous les étages de l'axe anatomique et fonctionnel «cervea u-intestin ».
A. Troubles de la motricité digestive
Des troubles de la motricité digestive ont été mis en évidence sur l'ensemble des segments dutube digestif chez l'homme. Des troubles moteurs ont été décrits au niveau de l'intestin grêle
et du côlon. Au niveau de l'intestin grêle, ils concernent à la fois la motricité interdigestive et
post-prandiale. Dans le côlon, ils s'observent surtout après la prise d'un repas (fig. 20.1 et 20.2).
Ils peuvent être déclenchés par l'alimentation eVou le stress.
Ils sont inconstants et peu spécifiques du Sii.
B. Troubles de la sensibilité digestive
Il existe une hypersensibilité viscérale chez au moins 60 % des malades.
Elle amène les malades à percevoir de façon pénible des phénomènes physiologiques normaux
comme la distension intestinale induite par les gaz ou les contractions intestinales
La sensibilité somatique est normale.
Plusieurs mécanismes sont éventuellement associés : sensibi lisation des terminaisons sensitives
de la paroi digestive, hyperexcitabilité des neurones de la corne postérieure de la moelle
amplifiant les messages sensitifs d'origine digestive ou, trouble de l'intégration des messages
sensitifs digestifs au niveau du système nerveux central, supra-spina l.
Les troubles de la sensibilité viscérale ne sont pas assez spécifiques pour différencier des
malades atteints du 511 des sujets sains.
C. Inflammation et microbiote
Un état inflammatoire qualifié de bas grade est volontiers mis en évidence par l'analyse histologiquedes biopsies de la muqueuse digestive. Cet infiltrat inflammatoire reste cependant
inconstant et peu spécifique de la maladie ou d'un phénotype particulier de 511.
L'écosystème intestinal joue vraisemblablement un rôle dans la physiopathologie du 511. Des
altérations qualitatives et quantitatives du microbiote pourraient augmenter la perméabilité
de l'épithélium digestif et perpétuer la réponse inflammatoire muqueuse. De même, les altérations
du microbiote pourraient augmenter la produdion de gaz digestifs en stimulant les
processus de fermentation. Une pullulation microbienne intestinale serait un peu plus fréquemment
observée chez les malades atteints de 511, en particulier en cas de diarrhée prédominante
(5 11-D).
D. Influence des troubles psychologiques
Une forte prévalence des troubles psychologiques est observée chez les malades atteints deSii, surtout chez ceux qui consultent très régulièrement. D'autre part, une névrose d'angoisse
ou phobique, un état dépressif, une histoire d'événements de vie douloureux (divorce, deuil,
histoire d'abus sexuel qui est ident ifiée chez près des 30 % des malades), une exposition
régulière à des événements stressants sont des fadeurs associés à une plus grande sévérité
des symptômes. Les troubles psychologiques, et plus généralement le stress, sont aduellement
perçus comme des cofacteurs capables d'influencer la sévérité des symptômes du 511.
Ill. Clinique
La douleur abdominale est le principal symptôme du 511 et le principal motif de consultation.Par définition, elle est :
• chronique, évoluant depuis au moins 3 mois (encadré 20. 1);
• à type de spasme;
• le plus souvent au niveau des fosses iliaques, droite et/ou surtout gauche ou de l'hypogastre
(mais elle peut être épigastrique, se localiser dans l'un des deux hypochondres ou
dessiner le cadre colique);
• souvent matinale (douleur «réveil matin ») ou post-prandiale;
• absente la nuit;
• intermittente, par crises de quelques heures à quelques jours,
• soulagée par l'émission de gaz et/ou de selles;
• augmentée par le stress ou une anxiété;
• ca lmée par les périodes de repos, notamment les vacances;
• parfois les malades décrivent une douleur plus diffuse, à type de brûlure, quasi continue,
pouvant exister la nuit, même pendant le sommeil qui est généralement perturbé.
Principaux éléments guidant l'indication de la coloscopie au cours du Sii
• Antécédent familial de cancer ou d'adénomes colo-rectaux.
• Âge > 50 ans (en l'absence de coloscopie complète depuis l'installation des symptômes).
• Symptômes récents ou récemment modifiés.
• Résistance au traitement symptomatique.
• Présence de signes d'alarme:
- hémorragie digestive patente ou latente (anémie hyposidérémique);
- anomalies de l'examen cl inique;
- amaigrissement.
Le ballonnement abdominal est le second grand motif de consultation. Il s'agit soit d'une
simple gêne qui rend pénible le port de vêtements ajustés, soit (au maximum) d'une tension
permanente, difficilement supportable. Il peut être amélioré de façon transitoire par l'émission
de gaz eVou de selles.
Les troubles du transit sont constants. Ils permettent de distinguer les 3 phénotypes du 511
(511-C, 511-D, 511-A)
Il s'agit soit:
• d'une constipation(< 3 selles/semaine);
• d'une diarrhée (plusieurs selles liquides, uniquement diurnes, souvent matinales et postprandiales).
Le besoin impérieux, la présence de résidus alimentaires, la survenue postprandiale,
sont les éléments caractérisant une diarrhée motrice.
Une alternance diarrhée-constipation est possible.
Il peut exister d'autres signes fonctionnels:
signes digestifs hauts (pyrosis, pesanteur épigastrique, satiété précoce). Un reflux gastrooesophagien
(RGO) sans oesophagite est très souvent associé au 511 (oesophage irritable);
quand il coexiste avec un 511, le RGO altère d'avantage la qualité de vie;
et symptômes extradigestifs (céphalées, myalgies, arthralgies, asthénie, bouffées de chaleur,
pollakiurie, dyspareunie ... ). Des pathologies dermatologiques comme l'eczéma ou
l'urticaire seraient plus fréquentes chez les malades ayant un 511-D et volontiers associées à
un terrain atopique. La présence de symptômes extradigestifs est le plus souvent associée
à un 511 plus sévère.
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